Akhénaton le Pharaon Hérétique - XIIième siècle av JC - Millénium du Scorpion
Amenhotep IV (Aménophis IV en grec ancien), Akhénaton (ou, plus rarement, Khounaton) est le dixième pharaon de la XVIIIe dynastie. On situe son règne de -1355 / -1353 à -1338 / -1337.
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Buste d'Akhénaton
Musée du Caire |
Il est le fils de la reine Tiyi et du roi Amenhotep III. Figure controversée, considéré parfois comme l’un des grands mystiques de l’Histoire, il bouleverse, le temps d'un règne, l’histoire de l’Égypte en accélérant l'évolution théologique commencée par son prédécesseur et en voulant imposer le culte exclusif de Rê-Horakhty (qui signifie "Celui qui est en Aton", "Celui qui vient du Soleil", Aton = le disque solaire), dont il est à la fois le prophète et l’incarnation.
Parallèlement à la réforme religieuse, son règne voit l'émergence d'une nouvelle esthétique à la fois baroque et naturaliste : l’art amarnien. L'imagerie royale est la première concernée par ce mouvement qui rompt avec la tradition de représentation divinisée du roi et représente le pharaon et sa famille dans leur intimité et leur quotidien d'homme.
Sur le plan politique enfin, les choix - ou l'inertie - d'Akhénaton conduiront à la première véritable crise du Nouvel Empire tant sur le plan économique qu'international. Avec le pharaon hérétique, la XVIIIe dynastie touche bientôt à sa fin.
Premières années
Les distances prises entre le roi et le clergé d'Amon sont déjà attestées sous Amenhotep III, la place de Rê, l'influence de la théologie solaire et les mentions à Aton sont plus présentes dans les hymnes et les titulatures royales.
C'est vers -1355 / -1353 qu'Amenhotep IV, couronné sous le nom de Néferkhéperouré, « Les manifestations de Rê sont parfaites », Ouâenrê, « L'Unique de Rê », alors âgé de moins de seize ans, monte sur le trône d'Égypte. Avant l'an IV, il est déjà marié à Néfertiti (La Belle est venue), aux origines incertaines.
Durant les trois premières années de son règne, Amenhotep IV s'inscrit en continuateur, bien que modéré et déjà novateur, de l'œuvre de ses pères. Ses constructions à Karnak attestent de cette tendance double.
Dès l'an IV, Akhénaton prend une décision surprenante : il fait célébrer sa première fête-sed, rituel jubilaire de régénération, qui marque traditionnellement les trente-trois ans de règne d'un souverain. Le roi était-il faible ou souffrant ? Il est plus concevable d'y voir plutôt une étape de sa réforme religieuse.
Le jeune souverain va progressivement d'abord, puis plus brutalement ensuite, imposer la première religion hénothéiste connue de l'histoire (hénothéiste = panthéon dans lequel un dieu joue un rôle prédominant et éclipse les autres. Prémices d'un panthéon monothéiste), privilégiant le culte du disque solaire Aton. Pour des raisons encore mal connues, Akhénaton désire abandonner le culte thébain du dieu dynastique Amon, le "dieu caché", le "dieu sombre".
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La famille royale
en adoration devant Aton
Calcaire
Musée archéologique du Caire |
En l'an IV de son règne, il fait sa première visite à l'endroit où sera fondée sa future capitale, une cité vierge de la présence du dieu thébain. Il choisit comme emplacement un lieu désertique en Moyenne-Égypte, sur la rive orientale du Nil, où il fait construire la cité d'Akhetaton (« L'horizon d'Aton »), l'actuelle Tell el-Amarna, à quelque 300 km au nord de Thèbes.
En l'an VI, il prend le nom d'Akhénaton, « Celui qui est bénéfique (ou utile) à Aton », et quitte enfin la ville d’Amon, Thèbes. Toute la cour et l'administration royales déménagent pour la nouvelle résidence encore inachevée, dont les temples, dédiés au dieu unique Aton, sont construits à ciel ouvert pour permettre à ses rayons bienfaisants d'y pénétrer.
Débute alors une « solarisation » des principaux dieux sous ce roi.
En l'an IX de son règne, Akhénaton va plus loin, dans une apparente radicalisation de sa réforme atonienne : il ordonne de détruire, dans les principales régions névralgiques du royaume, les images de culte des anciennes divinités, à l'exception notable de Rê, afin de mener à bien son « opération » magique. En martelant les noms des dieux, dans un système de croyances où le Verbe est créateur, il annule leur faculté de s'incarner et occulte leur influence. Il fait ainsi du Disque solaire le dieu universel, l'Unique « qui n'a pas son pareil », le démiurge qui répète son acte créateur à chaque lever du soleil. Pour souligner la royauté céleste d'Aton, le nom du dieu est inscrit dans des cartouches : il est « Rê-Horakhty qui se réjouit dans l'horizon », « Le Souverain (heka) des deux horizons ». On se trouve désormais en présence d'un monothéisme, véritable révolution religieuse dans l'Antiquité.
Loin de l'image idyllique d'un pharaon poète et rêveur mystique, le règne d'Akhénaton est considéré par beaucoup d'égyptologues comme une période sombre de l'Égypte antique. La réforme religieuse d'Akhénaton entraîna une perte d'influence importante des dieux du panthéon traditionnel : suppression de certains cultes, fermeture de temples, perte de biens du clergé, dégradation des effigies divines, massacre de prêtres, ce qui vaudra au roi d'être surnommé le pharaon hérétique.
On pense que la révolution réligieuse que lance le Pharaon est en fait un outil politique de lutte contre le pouvoir du clergé, car certaines villes où le clergé se soumet facilement aux ordres du pharaon, sont épargnées et peuvent continuer leurs cultes polythéistes. De plus, si le roi s'attaque aux cultes des divinités traditionnelles du royaume, il n'y a aucune persécution du peuple égyptien, qui peut préserver ses croyances. C'est donc bien aux prêtres et à leur pouvoir qu'il s'attaque.
Révolution artistique
Akhénaton est le premier pharaon a refuser d'être divinisé à l'extrême. Cela se manifestera principalement dans l'art qui l'entoure. Le pharaon et sa famille sont représentés dans leur vie quotidienne, leur vie d'homme et dans des détails intimes inédits jusqu'alors.
Un personnage jouera un rôle important dans cette révolution : Irisos, le scribe favori d'Akhénaton.
On peut considérer qu'Irisos deviendra un ami, l'ami d'Akhénaton, fait totalement inédit dans l'histoire des pharaons !
Le coeur du règne
L’an XII semble être l’apogée du règne. Une fête grandiose est célébrée dans la cité où les envoyés des roitelets palestiniens et de Nubie (nord du Soudan), du pays de Koush (sud de l'Egypte actuelle) et du pays de Pount (nord de la Somalie), apportent leurs présents au roi et à la grande épouse royale.
A la fin de l'an XII, Akhénaton perd sa mère et sa seconde fille, la petite princesse Mâkhétaton. Le chagrin du couple royal et en particulier du roi est mis en avant dans de nombreux documents. Ces décès marqueront profondément le roi qui ne s'en remettra jamais vraiment.
À partir de cette date, la documentation se raréfie, et il devient extrêmement complexe de déchiffrer la succession des événements qui marque la dernière partie du règne.
La fin du règne
L'an XVII de son règne marque un tournant dans sa lutte contre les prêtres de Thèbes. Akhénaton ayant délaissé ses échanges avec les nations anciennement alliées à l'Egypte (Babylon, Assyrie, Mittani (actuelle Syrie)) et par la construction de sa nouvelle capitale ruine l'Empire.
De plus les prêtres œuvrent auprès de la population pour réduire leur contribution à l'impôt.
Une mini révolte éclate et face à un risque d'assassinat croissant, le pharaon fuit pour se mettre à l'abri avec sa famille, sa cour et sa garde rapprochée vers la Lybie. Il sera rattrapé par les forces du clergé qui le contraindront les rétablir dans leurs prérogatives.
La mort d'Akhénaton un an plus tard est entourée de mystère. On ne sait ni quand ni comment il décède, ses successeurs ayant tout fait pour effacer les traces du roi hérétique. Certains suggèrent que l'éclipse totale de soleil du 14 mai -1337 pourrait être concomitante avec sa mort. On sait simplement qu'il est mort avant ses 30 ans.
Smenkhkarê, gendre et successeur d’Akhénaton meurt après un règne éphémère. Le pouvoir revient alors à un enfant de neuf ans, Toutânkhaton, qui avait épousé la troisième fille d’Akhénaton. Le culte d'Aton s'éteint pratiquement avec la disparition d'Akhénaton. Au bout de trois ans, Toutânkhaton quitte Tell el-Amarna ; il adopte le nom de Toutânkhamon, restaure le culte des dieux traditionnels et rétablit le clergé dans les biens dont l’avait dépouillé le « misérable d'Akhétaton ».
Redécouverte
L’échec de sa réforme religieuse et la violente réaction conservatrice qui s’ensuivit condamnèrent Akhénaton à un oubli quasi total.
Sa redécouverte à la fin XIXe siècle a été progressive et, même pour les archéologues sérieux qui s’en sont occupés, elle a été l’occasion de descriptions souvent fantasmatiques et de projections de leurs a priori, dans lesquelles Akhénaton est présenté tantôt positivement, tantôt négativement, mais généralement dans une perspective occidentalocentrée.
La momie d'Akhénaton n'a jamais formellement été retrouvée. 3 momies sont supposées être la sienne !
En 1910 l'égyptologue Arthur Edward Pears Weigall, consacre une étude au pharaon hérétique. Il voit dans Akhénaton un précurseur évident du Christ : "Aucune religion à travers le monde n'est aussi proche du Christianisme que la foi d'Akhénathon".